Politique : Qui peut porter l’appellation « Excellence » dans une République ?



 Par Mbaindangroa Djekornonde Adelph

Le vocable « Excellence » est devenu une formule fortement utilisée dans le milieu politique. Un terme qui fait l’objet d’un usage hors normes. Une situation constatée au Tchad en particulier mais dans presque tous les pays d’Afrique.



Le mot « Son Excellence » est un prédicat honorifique régi par les conventions diplomatiques ou ecclésiastiques. Dans le domaine diplomatique, il est abrégé « S. E ». Et il est utilisé, dans la majorité des cas, pour désigner les chefs d'État ou de gouvernement ainsi que les ambassadeurs de manière protocolaire. Par exemple Son Excellence (Monsieur) Idriss Deby Itno président de la République du Tchad.
Le terme « Excellence », du latin du XIIe siècle (1160), « Excellentia », est ancien et de très vieille utilisation. Il désigne un degré éminent de perfection ou de considération auquel a droit un dignitaire. Dans son emploi comme qualification de distinction honorifique, il a été emprunté à l’italien de la fin du XIIIe siècle - « Excellenza ». Il exprime la dignité supérieure reconnue à une personnalité, et de ce fait, la considération à laquelle elle a droit.
Dans la plupart des organisations internationales, notamment l'Organisation des Nations unies, le traitement « Son Excellence » est utilisé pour tous les chefs d'État ou chefs de gouvernement, sauf exception. En France, le président de la République ou le Premier ministre ne sont désignés comme « Son Excellence » qu'en dehors des frontières ou sur le territoire français par des diplomates étrangers.
Les ambassadeurs étant les « représentants d'un État auprès d'un autre, ou auprès d'une organisation internationale » sont désignés par le traitement d'« Excellence » dans le pays où ils sont envoyés. En revanche, dans son pays ou de la part des citoyens provenant du même pays, un ambassadeur ne peut porter le prédicat en question, puisqu'il revient au chef de l'État. Ainsi, en France, le terme d'Excellence est réservé aux ambassadeurs étrangers et n'existe pas dans le protocole français.
Pour les diplomates étrangers, « Excellence » est utilisé dans le traitement, mais la formule d'appel est invariable et sera toujours : « Monsieur l'ambassadeur » ou « Madame l'ambassadrice ». Les coordonnateurs résidents du système des Nations unies qui sont également accrédités auprès des chefs d'État avec le rang d'ambassadeur ont droit au traitement d'Excellence.
« Excellence » fait partie d’une série de qualificatifs destinés à singulariser des personnalités ou des hauts dignitaires en les valorisant, soit qu’ils aient un rang supérieur dans l’ordre politique des Etats et des relations internationales, soit qu’ils soient haut placés dans celui des grandes dénominations sociales ou confessionnelles. Alors que les désignations communes de « Monsieur » ou de « Madame » relèvent des rapports sociaux courants et de la civilité ordinaire, certaines autres appellations représentent des titres de fonctions.
Ainsi, des titres de Président de la République, Premier ministre, député, maire, président de conseil régional, directrice générale, président de tribunal, président ou recteur d’université entre autre.

Le constat sur le terrain

En Afrique, l’on roule progressivement d’une acception normale à des pratiques incongrues avec une répétition à outrance du mot « Excellence » dans les discours politique, diplomatique et du protocole. L’on entend lors des grands événements des expressions comme « Son Excellence Monsieur le Président de la République ou Son Excellence Monsieur le Président du Tchad », « Son Excellence Monsieur le Premier Ministre », « Son Excellence Monsieur le Président de l’Assemblée nationale », « Son Excellence Monsieur le Président de la Cour constitutionnelle », « Son Excellence Monsieur le Secrétaire général du MPS ». 
Ou encore « Leurs Excellences Mesdames et Messieurs les membres du gouvernement », « Leurs Excellences Messieurs les ambassadeurs », « Leurs Excellences, Messieurs les représentants des organisations internationales », « Leurs Excellences » entre autre.

Ce qu’il y a lieu de faire

Il faut remarquer que l’emploi du titre de distinction honorifique, « Excellence », dépend d’au moins quatre contextes. Il s’agit de la titulature des dignitaires ou personnalités, de la conversation courante et la vie sociale, des cérémonies officielles, notamment les discours ou allocutions et enfin les documents écrits.
Dans la conversation courante, l’utilisation du titre « Excellence » est rare et doit donc être maniée avec précaution. L’on ne dira pas par exemple, « bonjour Son Excellence Monsieur l’Ambassadeur », mais « bonjour Monsieur l’ambassadeur », ni non plus, « bonsoir Excellence, Monsieur le Président du Tchad », mais plutôt, « bonsoir Monsieur le Président ». S’adresser au Premier ministre, en le qualifiant d’« Excellence » n’a pas grande signification et est irrégulier. 
Ce sera plutôt « Monsieur le Premier ministre » qui respecte les normes. Sur ce plan, les mauvaises habitudes sont tellement ancrées dans la pratique, que redresser la barre n’est pas une chose aisée. Du moins, doit- on savoir qu’on utilise indûment le titre « Excellence » quand on s’affranchit des règles qui en fondent l’emploi protocolaire. Comme traitement, on ne devrait en tout cas s’adresser aux personnalités qui ont droit à l’appellation « Excellence », qu’à la troisième personne du pluriel : « que puis-je faire pour Votre Excellence » et non « que puis-je faire pour Son Excellence » ?

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